Une des premières grosses étapes vers l’univers alternatif, c’est souvent le ménage de la salle de jeux. On a lu un article ou un livre qui nous expliquait pourquoi les jouets non interactifs sont importants, alors on met tout ce qui a des batteries dans un sac. Nous sommes prêts pour un autre niveau : le jeu libre. On en a tous entendu parler et on l’a probablement tous vécu dans notre enfance. C’est l’emblème de la jeunesse : cette image de l’enfant qui s’invente un monde imaginaire avec tout et rien. Ça semble simple : on retire les jouets à batteries, on éloigne les écrans et on observe notre tout-petit face au bel arc-en-ciel Grimm's qu’on lui a offert…
Et il nous regarde. Il semble s’ennuyer. Il cherche ses repères. On propose un jeu, puis un autre. On devient l’animateur involontaire de notre enfant. Et un jour, on se retrouve face à la réalité : notre enfant ne sait pas jouer librement. On se pose des questions évidemment, on se demande si on devrait revenir en arrière. Bon, bien sur, on trouve ça bien beau tous ces jouets en bois, mais notre enfant n’est peut-être pas fait pour ça. Les enfants des autres semblent si calmes, si joueurs comparativement aux nôtres.
Et si c’était une affaire de génération? Est-ce que les jouets libres peuvent encore intéresser les enfants dans un monde où on peut leur offrir des jouets plus évolués que jamais?
Je ne possède pas toutes les réponses, mais j’ai envie de partager avec vous une partie de ma réflexion. D’ailleurs, plusieurs auteurs abordent ce sujet dans leurs livres, car il s’agit d'une problématique à laquelle beaucoup de parents font face.
- L’automatisation des tâches des adultes
Cette réponse pourrait vous surprendre, mais les adultes font de moins en moins d’actions tangibles, imitables facilement. Une grande part de l’imaginaire des enfants prend source dans ce dont ils sont témoins : Imiter le lavage de la vaisselle, la préparation des repas, la fabrication du pain, le jardinage, faire l’épicerie… Dans un monde où il existe des solutions pour se simplifier la vie, les enfants peuvent avoir des adultes… trop disponibles! Jouer avec son enfant, c’est génial, mais l’enfant bénéficie à jouer pendant que nous sommes occupés près de lui, idéalement à une tâche concrète et imitable. On peut alors refuser de jouer avec lui en déclinant une proposition : « Eh bien, je suis en train de faire la vaisselle, aimerais-tu m’aider en essuyant ou plutôt jouer avec tes poupées à côté de moi? » ou en sollicitant son imagination « Je suis une maman ours qui lave la vaisselle, et toi, qui es-tu? ».
2. L’habitude d'être stimulé en tout temps
C’est un réflexe de plus en plus présent chez les nouveaux parents : on a peur que nos enfants s’ennuient. On couvre nos nouveau-nés d’accessoires visant à les garder occupés et stimulés. On choisit des jouets qui font de la lumière et du son pour attirer leur attention. Souvent, les enfants ont très tôt des activités organisées, des jeux dirigés. La solution à cette cause? Le temps. On accepte de voir l’ennui chez nos enfants. On diminue la quantité de stimulus offerts, le nombre de jouets dans la salle de jeu. L’objectif est tout simple : qu’ils parviennent à accéder à leur monde imaginaire. Qu’au bout de l’ennui, ils trouvent une idée, qu’ils réinventent alors le monde.
3. La plupart des jouets viennent avec une utilisation prévue
Lorsqu’on achète un jouet, sans s’en rendre compte, on achète souvent un nombre limité d’actions pour notre enfant. En effet, le jeu prévoit que si l’enfant appuie sur le bouton, il y a une musique. Toujours la même, toujours le même volume, que l’enfant tape plus fort ou moins fort. Même chez les jouets sans batteries, il y a souvent une utilisation prévue, par exemple en achetant les figurines de l’émission populaire du moment que notre enfant écoute. On a l’impression que c’est une invitation à l’imagination, mais dans la plupart des cas, l’enfant va rester pris dans le scénario prévu. Il sait qu’il est prévu que les personnages soient comme ci ou comme ça, font telle ou telle chose et il restera sans s’en rendre compte dans ce cadre. Plusieurs jouets peuvent imposer, volontairement ou non, des contraintes. Le fait qu’ils aient une utilisation prévue n’est pas nécessairement un problème. Ce type de jouet peut faire partie avec modération de la salle de jeu de notre enfant. Ce qui peut devenir plus problématique, c’est quand notre enfant en vient à s’habituer à faire ce qui est prévu.
Une des raisons pour laquelle les enfants ne jouent pas librement, c’est qu’ils ne savent pas qu’ils ont le droit, qu’ils ne connaissent pas l’éventail des possibilités puisqu'ils ont toujours eu des jouets dont la bonne façon de les utiliser était très claire. Quand ils se retrouvent devant un objet neutre, ils n’ont pas de repères. Ils ont besoin parfois besoin de notre accompagnement pour découvrir quoi faire de cette liberté offerte par les jouets libres.
Est-ce que les jouets libres peuvent encore intéresser les enfants dans un monde où l'on peut leur offrir des jouets plus évolués que jamais?
Je crois sincèrement que oui, et d’ailleurs je crois qu’ils en ont besoin plus que jamais. Au milieu de leurs horaires parfois surchargés, des stimulations venues de partout, ils ont besoin de ce temps privilégié rempli de « Et si j’étais un… » et de « On fait comme si… » ou de temps pour jouer dans le sable avec un bâton, pour être un enfant simplement.
Signé Cinq minutes pour jouer - Zoé L. Sirois
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